Phéniciens
Les Phéniciens sont un peuple sémitique, probablement
venu de l'Est, qui s'installa, en des temps éloignés, sur l'étroite bande
côtière (40 km de large) de la Syrie et du Liban actuels, du mont Carmel au sud,
à Ougarit au nord. Pauvre en plaine, cette côte découpée favorisa par contre la
navigation. Hardis navigateurs, les Phéniciens fondèrent leur puissance,
économique et non politique, sur la domination de la mer.
Plaque ornementale phénicienne. Les Phéniciens étaient
d'habiles joailliers, experts dans l'art des émaux et des cloisonnés ajourés.
Cette pièce porte le scarabée sacré, d'influence égyptienne.
L'histoire des premiers Phéniciens relève de la légende. Une
tradition veut que les habitants de Sodome et Gomorrhe, chassés par l'incendie,
soient venus s'y réfugier. Soumis à de multiples influences au cours des
siècles, les Phéniciens ne formèrent jamais un peuple uni. Les principales cités
comme Tyr, Sidon, Berytos, Byblos, Ougarit, étaient gouvernées chacune par un
roi, ou deux suffètes élus, et par un Conseil des Anciens dont la seule ambition
était de développer les échanges commerciaux.
La côte phénicienne fut d'abord dominée par la puissance
égyptienne, les cités phéniciennes rivalisant entre elles. Mais l'effondrement
de la puissance crétoise en Méditerranée (vers 1400 av. J.-C.) rend libre la
route vers l'ouest. C'est à partir de ce moment que les Phéniciens vont devenir
les navigateurs les plus aventureux du monde, explorant la Méditerranée et
créant des comptoirs sur ses rives.
Guerrier phénicien. Statuette du musée
de Beyrouth. Il était armé de la lance et de l'épée, et protégé d'une cuirasse
de cuir et d'un casque métallique dont on devine ici les ailes.
Maîtres absolus de toutes les mers, les vaisseaux de Tyr,
Sidon, Byblos, partent chargés des marchandises apportées par les caravanes
d'Afrique et d'Orient : aromates, pierres précieuses, métaux. Ils rapportent du
cuivre de Chypre et vont même chercher l'étain d'Armorique et de Cornouaille,
l'ambre de la Baltique.
Mais la liberté des villes phéniciennes commençait à vaciller
sous la pression assyrienne. Assurbanipal II (884-859) était arrivé avec son
armée sur les côtes de la Méditerranée et avait imposé à Tyr, Sidon et Byblos de
lourds tributs. En 681, l'empire assyrien s'étant emparé de Tyr et de Sidon,
brisera leur union, donnant lieu à des guerres interminables.
Le monopole des cités phéniciennes est menacé sur terre comme
sur mer par les Grecs au VIe siècle. Mais les navigateurs phéniciens
restent les rois de la Méditerranée orientale : Carthage, fondée en Tunisie en
814 av. J.-C., est la plus grande puissance maritime du monde antique.
Conquise par Cyrus le Grand en 538 av. J.-C., la Phénicie est
devenue une satrapie perse. Sidon devient la ville principale et, plus tard, son
roi, Straton (374-362 av. J.-C.), entretient des rapports amicaux avec Athènes.
Quand, trente ans plus tard, Alexandre le Grand traversa la
Phénicie pour se rendre en Egypte, les principales villes lui ouvrirent leurs
portes, sauf Tyr qu'il dut assiéger pendant sept mois, aidé des flottes de Sidon
et de Rhodes. Devenue libre et riche, Tyr, qui se disputent les Lagides et les
Séleucides, tombe finalement aux mains de ces derniers vers 200 av. J.-C.
Assiégée et prise par Pompée, elle fit désormais partie de l'Empire romain et,
devenue colonie romaine sous Septime Sévère, elle fut un centre renommé d'études
philosophiques (Maxime de Tyr et Porphyre).
Expansion phénicienne en Méditerranée. En rouge, les
régions colonisées par les Phéniciens; en marron, les territoires de culture
grecque; en vert, les territoires sous influence grecque. Dans toutes ces zones,
les Phéniciens exportaient leurs produits naturels et fabriqués : blé, bois,
huile, verre, bronze, bijoux, tissus, et surtout la célèbre pourpre.
Dans la mythologie phénicienne on retrouve des éléments et
des principes religieux des pays voisins et, sous des noms différents, on
reconnaît les mêmes dieux et les mêmes concepts religieux. D'un Chaos primitif
animé par un "esprit", naquit un "œuf cosmique" qui, se partageant, donna
naissance au Ciel et à la Terre.
Au sommet de ce culte se trouve un couple divin : Hadad et
Ashtart. Le premier, le Baal-Hammon des Carthaginois, parfois identifié avec le
Soleil, était le dieu de la lumière et des cieux. Sa compagne, identifiée avec
l'Aphrodite grecque, déesse de l'amour et de la féminité, est représentée sous
diverses formes : une génisse, une brebis, une femme masquée... Il y avait aussi
une déesse mère, de conception naturaliste, identifiée avec la Gea grecque (la
Terre), mère de l'univers. Hadad et Ashtart eurent un culte très répandu et,
dans de très nombreux temples érigés en leur honneur, des centaines de prêtres
et de jeunes filles les célébraient.
Ce premier couple divin était accompagné de quatre dieux
masculins et de quatre divinités féminines qui se manifestaient sur les cimes
des arbres, dans l'ombre des bosquets, sur les roches. On leur dédiait des
bétyles, c'est-à-dire des pierres en forme d'obélisque.
Les expressions artistiques phéniciennes les plus anciennes
remontent au début du IVe millénaire av. J.-C. Elles subirent les
influences des civilisations mésopotamienne, égyptienne, du Mitanni, des
Hittites et même de Crète. Mais les Phéniciens furent tout particulièrement
habiles dans le travail des métaux précieux, avec lesquels ils réalisèrent des
bijoux dont nous avons le témoignage dans les peintures égyptiennes. En
orfèvrerie, comme en céramique, les motifs de palmettes, de fleurs de lotus,
d'arbres sacrés, dérivés de symboles égyptiens, sont fréquents.
Statuettes en terre cuite, art phénicien
de la région de Carthage. Les yeux exorbités des hommes et des animaux indiquent
une influence sumérienne lointaine, tandis que la forme des membres rappelle
l'art grec primitif.
A partir du Ve siècle av. J.-C., les Phéniciens
subirent des influences grecques et introduisirent en sculpture la figure
humaine. La statuette de femme d'Ibiza (Ve siècle av. J.-C.), du
musée archéologique de Madrid, est renommée pour sa beauté.
Les fouilles de Byblos et de Ras Shamra ont révélé les
premières expériences architecturales et urbaines des Phéniciens (3000 av.
J.-C.). On y a découvert des constructions aux murs de boue et de paille,
dressées sur des bases en sable et protégées par des toits reposant sur des
pieux. C'est à cette époque lointaine que remonte le temple de Melgart à Tyr,
dont s'inspira le temple de Jérusalem. Les tombes présentaient des analogies
avec celles de Palestine. Profondément creusées dans le roc, elles étaient
richement meublées.
Les Phéniciens furent d'excellents ingénieurs et c'est eux
que Xerxès chargea de creuser l'isthme au pied du mont Athos. Dans le domaine
des arts décoratifs, ils répandirent dans tout le bassin méditerranéen leurs
bronzes, ivoires, émaux et tissus.
Ce peuple à l'esprit pratique et ingénieux a fait don à
l'humanité de la découverte la plus précieuse : l'alphabet phonétique,
applicable à toutes les langues du monde. Les premières inscriptions en alphabet
phonétique de 22 lettres, retrouvées à Byblos, remontent à 1250 av. J.-C.
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