Martin Luther (1483-1546)
Né à Eisleben, près de Halle, en Saxe, Martin Luther
était fils d'un mineur aisé. Il fit ses études à l'université d'Erfurt, mais en
1505, à la suite d'un vœu, il entre au couvent des Augustins à Wittenberg. Après
avoir été ordonné prêtre, il est nommé professeur de théologie à l'université de
Wittenberg. En 1511, il va à Rome où le luxe de la cour pontificale et le
relâchement des mœurs du clergé vont créer chez lui une aversion définitive à
l'égard du monde catholique.
Homme d'une très vive sensibilité, d'une imagination ardente,
impulsif, inquiet, Luther lit, travaille, prie, dans l'angoisse du jugement de
Dieu. Il est hanté, comme ses contemporains, par le problème du salut. Un soir
d'hiver 1512 ou 1513, il éprouve une illumination à la lecture d'une phrase de
saint Paul : "l'homme est sauvé par la grâce, par le moyen de la foi". Livré à
lui-même, l'homme est incapable de se sauver. Seule, la grâce, accordée par
Dieu, lui délivre le salut. Il doit l'en remercier avec joie et confiance. C'est
en ces sentiments que réside en fait pour Luther la foi, seule attitude active
valable pour le chrétien.
"Le chrétien se sait toujours pécheur, toujours juste et
toujours repentant". En ces termes, Martin Luther tourmenté et intransigeant,
résume, dans son Commentaire de l'Epître aux Romains, la conviction qui
l'anime et le tourmente.
Luther prêche désormais la certitude du salut à celui qui a
la foi. Le 31 octobre 1517, il fait afficher sur la porte de la chapelle de
Wittenberg 95 thèses ou propositions, dans lesquelles il critique violemment la
pratique des indulgences (remise totale ou partielle des peines encourues à
cause des péchés). Des indulgences étaient, en effet, accordées à tout fidèle
qui versait une obole pour la construction de Saint-Pierre de Rome. Ce qui
choque Luther, c'est qu'un homme puisse, par un seul acte concret, avoir la
certitude de son salut. Des discussions passionnées s'ensuivent avec d'autres
théologiens. Luther en vient à repousser certains points de doctrine du
catholicisme.
Sommé d'aller s'expliquer à Rome, il refuse de s'y rendre. Le
pape Léon X lui demande alors de revenir sur ses idées. Luther brûle la lettre
du pape, qui l'excommunie (1520). Après s'être opposé au pape, il doit faire
face à l'empereur Charles Quint qui l'a convoqué à Worms en 1521. Il refuse à
nouveau de se rétracter. Il est alors mis au ban de l'Empire. Exilé, Luther se
réfugie chez le duc de Saxe au château de la Wartburg. Là, il traduit la Bible
en allemand populaire avant de revenir définitivement, en 1522, à Wittenberg, où
il meurt en 1546, après avoir quitté l'habit et s'être marié.
Sa profession de foi fut rédigée par un humaniste,
Melanchthon; c'est "la confession d'Augsbourg", credo de l'Eglise luthérienne.
Luther s'appuie sur l'infaillibilité de la Bible, seule autorité en matière de
foi, élément essentiel de l'office luthérien célébré en langue vulgaire. Il s'en
remet aux chefs d'Etat pour nommer les pasteurs qui constituent le clergé,
astreint au célibat. La foi représentant le facteur essentiel du salut, la
pratique religieuse est réduite à deux sacrements, le baptême et la communion
sous les deux espèces. Revalorisant la laïcité, Luther annonce l'idée d'un
sacerdoce universel.
Les idées de Luther se répandirent rapidement à partir de la
Saxe, qui fut le premier centre du luthéranisme, et triomphèrent surtout en
Allemagne du Nord. Luther dut cependant réagir contre les déviations de sa
propre doctrine qui inspira divers mouvements sociaux économiques. L'Eglise,
possédant le cinquième des terres, suscitait la jalousie de petits nobles
pauvres. Sous prétexte de réformer l'Eglise et de la rendre à son destin de
pauvreté, ces nobles dépouillèrent de leurs terres évêques et archevêques. Ils
furent écrasés en 1523.
En 1524-1525, une vraie jacquerie éclate parmi les paysans.
Exaspérés par leur sort misérable, espérant un monde meilleur, "l'empire du
Christ", où les impies seraient châtiés, les paysans se précipitent sur les
châteaux et les terres des nobles et du clergé. Luther les désavoue. "Les sujets
ne doivent jamais se soulever, quand même les supérieurs sont méchants et
injustes", leur prêche-t-il. Il lance un appel à la répression : "L'épée doit
frapper les coquins". Les paysans sont exterminés en 1525.
Bien des princes se sont à cette époque ralliés au
luthéranisme. Certains ont même protesté (d'où le mot de "protestants"), car
l'empereur voulait rétablir l'unité religieuse. En 1555, la paix d'Augsbourg
assure la liberté de culte aux princes. Les sujets doivent suivre la religion de
ceux-ci, selon le principe cujus regio, ejus religio. Hors d'Allemagne,
le luthéranisme se répand principalement en Suède, Norvège, Danemark, où il a
contribué à donner une mentalité originale aux populations.
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