Grèce antique
Sur cette terre rocheuse, baignée par la lumière
impitoyable du soleil et le bleu intense du ciel, naquit une civilisation toute
entière vouée au culte de la beauté et de la liberté, qui devait rayonner
pendant des siècles sur l'Orient et sur l'Occident.
Vers 800 avant notre ère, les Grecs ont habité tout le tour
de la mer Egée : les Ioniens (rose), les Doriens (violet), les Grecs du
Nord-Ouest (vert), les Eoliens (orange), les Arcadiens (rouge).
A une époque très reculée, les premiers habitants de la Grèce
n'appartenaient pas à la famille indo-européenne; on les croit, en revanche, de
race "méditerranéenne". Les Grecs de l'Antiquité en conservaient le souvenir
sous le nom de "Pélagiens" ou de "Cariens". Pendant de longs siècles, des
peuples de langue grecque et de race indo-européenne occupèrent ensuite la
péninsule et les îles qu'ils soumirent, se fondant peu à peu avec la population
d'origine.
Les premiers temps de l'histoire grecque demeurent
mystérieux. On ignore quels événements la marquèrent, et quand eurent lieu ces
grandes migrations de populations. Les premiers éléments concrets que l'on
possède sont les restes de la civilisation minœnne dont le nom vient de Minos,
roi crétois et père légendaire du "labyrinthe".
C'est en effet en Crète, une grande île située en plein cœur
de la Méditerranée, que cette civilisation naquit, au IIIe millénaire
avant notre ère. Ses principaux centres furent les cités de Cnossos et Phaïstos.
On y découvre encore aujourd'hui d'immenses palais princiers, où les nombreuses
chambres séparées par des corridors sinueux, des petites cours, des escaliers,
des terrasses, des bains donnant dans des salles du trône à demi souterraines
(d'où le nom précisément de "labyrinthe") nous restituent l'image d'un peuple
heureux, dont la puissance économique reposait sur le commerce et la navigation
maritime. Les fresques, les objets de bronze, les céramiques, les statuettes et
les bijoux reflètent une vie heureuse, toute entière consacrée aux fêtes, aux
joutes sportives, aux cérémonies religieuses et aux rites raffinés des seigneurs
minœns.
Le monde grec vers 431 avant notre ère,
à la veille de la guerre du Péloponnèse. Les pays neutres sont en vert, les
alliés d'Athènes en rouge, les alliés de Sparte en orange.
Vers l'an 1400 av. J.-C., un peuple de guerriers originaire
de la péninsule conquit les cités crétoises et détruisit leurs magnifiques
palais. C'étaient les Mycéniens venus de Mycènes, l'un des principaux centres de
cette nouvelle et puissante civilisation; ces nouveaux maîtres de la Grèce
saccagèrent et incendièrent tous les témoignages de la civilisation crétoise
avant de construire leurs châteaux sur les ruines des anciens palais. Les rudes
Mycéniens adoptèrent bientôt les raffinements du mode de vie crétois, comme nous
l'apprennent de nombreux objets retrouvés par les archéologues. Erigés par des
guerriers, les palais des seigneurs mycéniens sont de puissants châteaux forts,
aux murs cyclopéens renforcés par des tours, avec enceintes et fortifications,
et ne ressemblent guère aux constructions crétoises.
Le premier poète dont la Grèce ait retenu le nom, le plus
célèbre aussi, Homère, évoque dans l'Iliade et l'Odyssée la
situation politique, sociale et religieuse du monde mycénien.
L'invasion des Doriens, le dernier peuple grec ayant immigré
dans la péninsule, mit un terme à la civilisation mycénienne. Elle marqua le
début d'une période assez trouble et confuse. Tout ce que nous savons de façon
sûre, c'est que, vers l'an 800 avant notre ère, la Grèce se présente comme un
ensemble de petits Etats ou polis, cités indépendantes et libres,
centres de la vie religieuse et politique de la Grèce.
Cratère du milieu du IVe siècle av. J.-C.
représentant un épisode de la tragédie d'Euripide, Iphigénie en Tauride.
Iphigénie, devenue prêtresse d'Artémis, reconnaît son frère Oreste.
Reposant entièrement sur les notions de liberté et de
démocratie - c'est-à-dire du gouvernement du peuple par le peuple - la polis
était une communauté de citoyens entièrement indépendante, régie par des lois et
des cultes. Les Grecs ne reconnaissaient aucun pouvoir supérieur à celui de la
polis. Chacun faisait partie de cette étroite communauté à laquelle il se
sentait indissolublement lié.
Chaque citoyen était un membre à part entière de la polis, et
personne n'admettait la moindre interférence dans ses affaires publiques ou
privées. Chaque polis voulait vivre sa vie propre. Toutes tenaient
surtout à leur liberté, qui leur permettait de subsister. L'âge classique
coïncide avec le développement de la polis, et la décadence de la Grèce
entraînera la chute de ce système politique original.
Du IXe au VIe siècle avant notre ère,
les Grecs commencèrent à émigrer dans tout le bassin méditerranéen et fondèrent
de nouvelles colonies, reposant elles aussi sur la polis. Ainsi furent
colonisées en Italie, Naples, Syracuse, Tarente, Messine, et en Asie Mineure,
Ephèse, Millet qui devinrent des centres agricoles et commerciaux importants.
Les Grecs avaient ainsi acquis une importance de premier plan dans la vie
commerciale du bassin méditerranéen et on les retrouve aussi bien en Gaule (où
ils ont fondé Marseille) qu'en Espagne ou dans le Pont-Euxin, en Syrie et en
Egypte.
A l'époque de la colonisation et de l'expansion grecques dans
la Méditerranée, la civilisation grecque se polarise autour de deux villes :
Athènes et Sparte.
L'organisation interne de Sparte se basait sur une division
du peuple en trois classes : les Spartiates, guerriers qui descendaient des
envahisseurs doriens, les seuls à bénéficier du privilège des droits politiques;
les perioikoi, les "provinciaux", composés d'agriculteurs et
d'artisans; et enfin les ilotes, les esclaves. Sparte est restée
célèbre pour l'ascétisme et la discipline de fer sur lesquels reposait ce
système. L'éducation très sévère que l'on faisait subir aux adolescents destinés
à devenir des guerriers, et l'organisation militaire et politique de la ville
portèrent rapidement leurs fruits : après avoir conquis la Messénie, Sparte
étendit sa puissance sur tout le Péloponnèse.
Les Athéniens, contrairement aux Spartiates, étaient de
souche ionienne. Leur caractère différait sensiblement de la sévérité propre aux
Doriens. Ils élevaient leurs fils en leur enseignant la musique, la danse et la
poésie. Les exercices physiques n'étaient pas destinés à faire de ces
adolescents de parfaits guerriers, mais surtout des hommes accomplis "beaux et
bons", dotés d'un équilibre harmonieux entre le corps et l'esprit. Au Ve siècle,
créant l'Aréopage et le Sénat, Solon posa les fondements de la République
athénienne, qui devait devenir le parfait symbole de la démocratie.
Lorsque la Perse prétendit soumettre les cités grecques,
l'amour de leur liberté et de leur indépendance poussa les Grecs à s'unir pour
mieux combattre l'ennemi commun. L'expédition menée par Darius en 490 av. J.-C.,
fut arrêtée à Marathon grâce au courage des Athéniens et à l'astuce de leur chef
Miltiade. Xerxès, qui tenta dix années plus tard de renouveler la tentative de
son père Darius, fut vaincu à son tour, d'abord par le général athénien
Thémistocle au cours de la fameuse bataille navale de Salamine, puis par les
Athéniens et les Spartiates, ligués, à Platées. Ainsi libérée de ses
envahisseurs, la Grèce ne devait plus être foulée par des armées étrangères
pendant plusieurs siècles.
Cependant, la victoire remportée sur les Perses remplit les
Grecs d'orgueil et, parmi les Grecs, plus particulièrement les Athéniens, fiers
de leurs institutions démocratiques. Une petite armée avait vaincu les soldats,
dix fois supérieurs en nombre, d'un roi dont l'empire s'étendait de l'Indus à
l'Egypte. Alors, les Grecs voulurent connaître quelle cité avait été l'artisan
principal de la victoire, de Sparte ou d'Athènes, et laquelle par conséquent
pouvait s'arroger le droit d'être supérieure aux autres. Ainsi apparut une
nouvelle tendance à l'hégémonie, la recherche d'une "suprématie" visant à
remplacer le principe antique de l'autonomie sur lequel se basait la polis.
La ligue navale qu'Athènes forma avec les îles de la mer Egée
et les villes d'Asie Mineure se transforma rapidement en un instrument
d'hégémonie et d'impérialisme. Divisées, les cités grecques s'unirent les unes à
Sparte, les autres à Athènes.
Cette époque coïncide avec le plus bel éclat de la
civilisation grecque, surtout à Athènes, "école de l'Hellas" comme la définit
Périclès, "stratège" ami des philosophes et des poètes, qui orna la ville de
temples splendides et qui perfectionna encore la constitution démocratique de la
cité. Tout ce qui se créait de beau à cette époque, que ce fut en art, en
poésie, en philosophie, dans l'histoire, la sculpture ou l'architecture, était
fait à Athènes.
La guerre du Péloponnèse, qui dura vingt-sept ans et fut
marquée par divers épisodes plus tragiques les uns que les autres, défaites,
épidémies, luttes fratricides entre peuples grecs, trahison et, pour finir, le
désastre de l'expédition athénienne en Sicile, aboutit à la défaite d'Athènes et
à la perte de son empire maritime. Cette guerre marqua la fin de l'idéal
politique de la polis. Après une brève hégémonie de Spartes et de
Thèbes sur la Grèce, une nouvelle puissance fit son apparition sur la scène
politique du pays : la Macédoine.
L'apparition dans l'histoire de la Grèce d'une nation qui ne
possédait pas, dans son passé, la tradition de la polis, à savoir la
Macédoine, nous montre bien que cette tradition avait désormais perdu toute sa
signification pour les Grecs. La Macédoine, une région montagneuse, située dans
le nord de la péninsule grecque, était alors peuplée par des habitants de
langue, de religion et de coutumes grecques. Ceux-ci vivaient sous le régime
politique de la monarchie. Ses rois, ayant su habilement unifier le pays tant
sur le plan politique que militaire, en avaient fait un Etat puissant.
Masque funéraire en or d'Agamemnon
provenant d'une tombe de Mycènes. Agamemnon fut le chef suprême des Grecs
pendant la guerre de Troie
Philippe II de Macédoine, souverain intelligent et adroit,
parvint à faire de la Grèce une province macédonienne. Les dernières tentatives
de rébellion et de coalition des cités grecques furent écrasées lors de la
bataille de Chéronée en 338 av. J.-C. Dès lors, la Grèce n'est plus qu'une
partie de l'empire créé par Philippe et agrandi par son successeur Alexandre.
Alexandre de Macédoine, dit "le Grand", ne fut que 13 ans au
pouvoir, mais ce laps de temps lui suffit pour conquérir et agrandir l'immense
empire perse qui s'étendait de l'Egypte à la frontière de l'Inde.
Stratège habile autant qu'audacieux, il vainquit au cours de
batailles mémorables l'armée, bien supérieure en nombre, de son adversaire
Darius III. Après avoir conquis les cités les plus belles et les plus brillantes
de l'empire perse (Suse, Babylone, Persépolis), il se tourna vers l'Inde,
dépassant l'Indus et atteignant les imposantes montagnes de l'Hindou-Kouch. Il
fonda un vaste empire englobant des peuples de cultures, de religions, de
langues, de coutumes totalement différentes.
La grandeur d'Alexandre, qui donna vie à une nouvelle
civilisation, s'explique par le fait que, bien que grec (son maître avait été le
philosophe Aristote), il sut aller au-delà des tendances individualistes des
Grecs et, loin de poursuivre un idéal panhellénique, c'est-à-dire une nouvelle
suprématie des Grecs sur les Barbares, il chercha au contraire à exploiter ce
que les divers peuples de son vaste empire possédaient de mieux.
Alexandre ne prétendait pas transformer le monde oriental en
colonie grecque. Il voulait plutôt fondre Grecs et Barbares en un peuple unique,
en respectant les traits caractéristiques de chacun. Pour réaliser son dessein,
il disposait de la force militaire macédonienne, de la culture grecque, de la
religion égyptienne et des ressources économiques.
Au contact de l'Orient et de l'organisation politique
persane, il modifia lui-même ses idées et devint un souverain absolu, proche du
tyran oriental. Il épousa la fille de Darius III et, en de gigantesques
épousailles, fit célébrer le mariage de 10 000 soldats macédoniens avec des
jeunes Persanes. C'est cette fusion de l'élément grec avec la culture perse qui
donna naissance à l'hellénisme, nouvelle période d'expansion de la culture et de
la langue grecques.
Après la mort d'Alexandre, son empire se démembra en
plusieurs royaumes, tout en conservant certains aspects que lui avaient imprimés
la conquête; ils jouirent d'une certaine prospérité jusqu'après la conquête
romaine.
C'est donc avec Alexandre et surtout ses successeurs
qu'apparaît en Grèce cette nouvelle organisation politique, nettement influencée
par les satrapies orientales, à savoir la monarchie hellénistique. Le roi,
habituellement "fils d'un dieu", est un souverain absolu possédant droit de vie
et de mort sur ses sujets.
La Grèce devint province romaine en 146 malgré la résistance
de Philippe V de Macédoine et de son fils Persée. L'hellénisme s'achève au
moment où l'histoire de Rome se substitue à celle de la Grèce.
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