Grandes invasions
Les grandes invasions sont de vastes mouvements de
peuples qui on pénétré en Occident entre le Ve et le VIIe
siècle de notre ère, mettant fin à l'Empire romain. Il ne s'agit pas
exclusivement d'irruptions à main armée comme on l'a cru souvent, en raison des
exagérations romanisées des auteurs contemporains. Est réputé "Barbare" tout ce
qui est étranger à la civilisation grecque et latine de l'Empire.
Itinéraire des principaux déferlements barbares en Europe,
jusqu'à la fin du Ve siècle. La zone colorée indique l'étendue de
l'Empire romain. Il subit une vague d'invasions.
1. Huns, chassés d'Asie. Attila envahit la Gaule en 451.
2. Vandales : ils passent en Afrique et prennent Carthage en 439.
3. Wisigoths : ils saccagent Rome en juin 410, puis poursuivent jusqu'en
Espagne, où ils s'installent.
4. Ostrogoths : fixés en Italie, ils fondent un royaume romano-barbare avec
Théodoric.
5. Burgondes : ils occupent la région de Mannheim, puis la Savoie.
6. Francs : ils dévastent la Gaule à plusieurs reprises, et y fondent un royaume
à la fin du Ve siècle.
Or, les empereurs durent très tôt protéger les provinces des
Barbares de l'extérieur, les Teutons et les Cimbres, par exemple en 102-103 av.
J.-C. Mais ils durent aussi s'opposer aux Barbares de l'intérieur. Il resta
toujours dans l'Empire romain (en Afrique, Espagne, Gaule, Asie Mineure) des
zones insoumises où les populations refusaient l'assimilation à la civilisation
romaine. Elles étaient toutes prêtes à tendre la main aux Barbares de
l'extérieur. Ce fut le cas pour certaines cités gauloises récalcitrantes qui
pactisèrent avec les Bataves (peuple germanique) en 68-69 av. J.-C.
A partir de l'empereur Auguste, la pression s'accentua de la
part des peuples d'outre-Rhin et des peuples d'outre-Danube, des Parthes du
Turkestan installés en Iran et en Mésopotamie, des Arabes, des Alains dans le
Caucase. Pour protéger les frontières, les empereurs furent obligés de
construire un système de fortifications remarquables, notamment à la frontière
germanique, sur le Rhin et le Danube.
Pourtant, les Barbares continuent d'arriver, par raids
successifs, par infiltrations lentes, par invasions brutales. Finalement,
certains, avec la tolérance romaine, s'installent avec femmes et enfants. Ils
acquièrent des terres, entrent dans l'armée romaine. Ils deviennent fédérés;
leurs lois, mœurs, langue, sont respectés par les Romains qui les emploient
comme paysans ou soldats.
A partir du IIIe siècle, la pénétration des
Barbares est constante. Au IVe siècle, c'est le grand déferlement des
hordes barbares. D'abord, ce sont tous les fuyards qui cherchent à éviter plus
forts ou plus cruels qu'eux. "Les Huns se sont jetés sur les Alains, les Alains
sur les Goths, et les Goths sur les Sarmates, et ce n'est pas fini" dit un
contemporain.
Ceux qui déclenchent le mouvement, les Huns, sont des nomades
de race jaune. Pour des raisons inconnues (grand essor démographique, attrait de
territoires plus riches, changement climatique) ils sont eux-mêmes chassés des
steppes de l'Asie centrale et arrivent en Europe à la fin du IVe
siècle. Ils bousculent devant eux les Germains, et arrivent en Gaule en 451,
puis repartent vers l'Italie et enfin la Hongrie.
Les Germains comprennent plusieurs populations différentes
qui déferlent sur l'Empire romain en trois vagues successives. La première
s'étend du IVe au Ve siècle. Les Wisigoths envahissent
l'Italie, pillent Rome. "Elle est conquise, cette ville qui a conquis
l'univers". Ils s'installent en Espagne, alors que les Vandales traversent la
Gaule, envahissent l'Espagne et s'installent en Afrique. Les Burgondes fuient
les Alamans et s'installent en Savoie, dans la vallée du Rhône et dans la région
portant leur nom : la Bourgogne. Les Ostrogoths passent en Italie et la
conquièrent à la fin du Ve siècle.
Entre temps, en 475 et 476, dans la confusion générale, ont
lieu des évènements qui passent inaperçus. Un aventurier romain fait proclamer
son fils empereur romain. L'année suivante, celui-ci est tué par un barbare. Ses
insignes d'empereur d'Occident sont envoyés à l'empereur de Constantinople.
L'histoire de Rome est terminée.
Poule couveuse et ses poussins, pièce
d'orfèvrerie lombarde en argent doré. L'ornementation animale et la richesse du
matériau caractérisent le style de décoration répandu chez tous les peuples
d'origine germanique, à partir du VIe siècle av. J.-C.
Aux Ve et VIe siècles, une nouvelle
avance de Barbares se produit sous la pression des Francs venus des bords de la
mer du Nord, Germains eux aussi. Ils conquièrent la Gaule, s'y installent, entre
480 et 536.
Enfin, aux VIe et VIIe siècles, les
Lombards, chassés de Pannonie (Hongrie) par les Avars, peuple de race jaune,
s'installent en Italie.
Au nord de l'Europe, également, vers le Ve siècle,
les Barbares affluent. Partis des côtes scandinaves, les Angles, les Jutes et
les Saxons, après une série de raids par mer sur la Bretagne (Grande-Bretagne)
en 441-443, en chassent les indigènes, Celtes ou Bretons.
Ils se réfugient en Armorique, jusque-là dans la dépendance
romaine, et donnent leur nom à cette région (Bretagne).
Venus de l'Est, du Nord-Est, du Nord, ces Barbares, sur les
ruines des anciennes provinces romaines, créent des royaumes plus ou moins
durables, en Afrique, Espagne, Gaule et Italie.
Les écrivains de l'époque les dépeignent comme de vrais
sauvages : "On dirait des animaux bipèdes dont la férocité dépasse tout".
En fait, leur langue, leurs coutumes, leur mentalité,
différentes des populations romanisées, étaient méconnues et méprisées. De plus,
la terreur qu'ils inspiraient provenait, non pas tellement de leur nombre que de
leur mobilité. Toujours en mouvement, ces nomades semblaient beaucoup plus
nombreux qu'ils n'étaient. Les massacres, pillages et incendies furent
importants, certes, mais "c'est le fait des coutumes de guerre" constate un
contemporain.
Cela ne doit pas faire oublier la réelle valeur de la
civilisation barbare. Ces peuples avaient des techniques métallurgiques
raffinées. La supériorité de leur longue épée tranchante et pointue, de même que
leur cavalerie, expliquent leurs succès militaires. Nomades, ils étaient experts
dans la fabrication des objets d'art aisément transportables (objets de cuir,
d'orfèvrerie). La cour tenue par Attila en Hongrie accueillait toutes sortes de
lettrés, d'artistes, que celui-ci entretenait avec générosité.
La Barbares furent souvent, non des ennemis, mais des
administrateurs des institutions romaines. Ils se paraient de titres romains.
Les chefs barbares faisaient appel aux Romains comme conseillers. Certains se
convertirent au christianisme, d'autres à l'arianisme (hérésie chrétienne).
En fait, la fusion entre les populations romanisées et les
envahisseurs fut très difficile. La tentative d'intégration échoua en Italie et
en Espagne. Elle réussit dans la Gaule franque. On emploie parfois le terme de
grandes invasions pour qualifier les invasions arabes, slaves et scandinaves qui
prolongèrent en Europe, au VIIe siècle puis aux IXe et Xe
siècles, l'insécurité et la terreur. Mais, si les invasions des Ve et
VIIe siècles aboutirent à l'effondrement de l'Empire romain et à une
autre construction politique de l'Occident, la nouvelle vague fut différente,
surtout par ses conséquences.
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