Logique
"Les animaux qui ne ruent pas ne
sont pas excitables.
Les ânes n'ont pas de cornes.
Un buffle peut toujours vous jeter en l'air par-dessus la barrière.
Aucun des animaux qui ruent n'est facile à avaler.
Aucun animal sans cornes ne peut vous jeter en l'air par-dessus la barrière.
Tous les animaux sont excitables sauf les buffles".
Si nous admettons comme "vrais" les six énoncés qui
précèdent, quelles conclusions pouvons nous en tirer? Tel est le piège que nous
tend malicieusement, dans sa Logique sans peine, un mathématicien plus
connu comme auteur d'Alice au pays des merveilles : Lewis Carroll.
Inspiratrice de tout discours qui se veut cohérent, la
logique est fort ancienne. Dans la Grèce antique, reprenant une longue tradition
d'orateurs, de rhéteurs et de sophistes, les philosophes en firent une
discipline autonome, et Aristote lui consacra une place importante dans
l'architecture du savoir, formulant en particulier les règles du syllogisme
("Tous les hommes sont mortels; Socrate est un homme; donc..."). Cette œuvre
importante traversa tout le Moyen-Age, qui perfectionna la logique formelle(logique
de la forme des propositions), et marqua longtemps la conception que l'on
pouvait se faire de la "vérité" : un accord dans l'enchaînement des formes de
proposition.
A la fin du XVIIe siècle, avec le philosophe et
mathématicien Leibniz, s'esquisse une conception nouvelle de la logique : il ne
s'agit rien moins que de formaliser le langage et la pensée pour construire,
s'agissant de la vérité d'un discours, un système analogue à celui de l'algèbre,
avec des règles simples d'opération et de liaison des calculs. Il fallut
toutefois attendre les travaux de Boole et de de Morgan, entre 1847 et 1858 pour
que se développe une logique à la fois symbolique et mathématique capable
d'effectuer un véritable calcul.
Partageant avec l'algèbre l'étonnant privilège d'appliquer
ses règles à des objets qui ne sont pas précisés, la logique mathématique va,
dès lors, connaître un important développement : elle jalonne les progrès de la
méthode axiomatique, fournit un instrument à la théorie des ensembles et
participe au débat de la non-contradiction des mathématiques qui naît avec le
théorème de Gödel (il n'est pas possible de démontrer la non-contradiction d'un
système déductif sans recourir à un autre système de niveau supérieur) et se
poursuit dans la "méta-mathématique" moderne..
Au cœur de la logique moderne, donc, le calcul des
propositions. Il est possible de le présenter de manière formelle et
axiomatique. Dans un esprit de simplification, on se contentera ici d'employer
les tables de vérité.
Dans ce calcul, on utilise plusieurs sortes de signes :
- des lettres représentant des propositions : p, q, r, ...
- des symboles logiques Ø , Ù
, Ú , Þ . Intuitivement,
les lettres propositionnelles peuvent être remplacées par des énoncés. Le
symbole Ø désigne la négation,
Ù représente le "et", Ú
représente le "ou" et enfin Þ représente
"si..., alors...".
Ces symboles permettent de construire des formules, en
respectant certaines règles. Ainsi les lettres propositionnelles constituent des
formules, Si F et G sont des formules, alors Ø
(F), (F) Ú (G), (F) Ù
(G), (F) Þ (G) sont des formules.
Chaque proposition peut avoir deux "valeurs" : 1 qui peut
être interprété par "vrai", 0 qui peut être interprété par "faux". Il est
possible de déterminer la valeur d'une formule, connaissant les valeurs de
propositions qui la constituent :
On peut, dès lors, calculer la valeur de formules plus
complexes, par exemple : (p Þ q)
Ù (q Þ p).
Deux formules sont logiquement équivalentes si et seulement
si elles ont les mêmes valeurs, quelles que soient les valeurs des propositions
qui les constituent. Ainsi Ø (
Ø p) et p sont logiquement équivalentes. De même (
Ø p) Ù (
Ø q) et Ø (p
Ú q) sont logiquement équivalentes. Dans ces deux
dernières formules on a :
Une formule qui a toujours pou valeur de vérité 1 est une
tautologie. Ainsi p Ú ( Ø
p), p Þ p, (p Ú q)
Þ p sont des tautologies.
A partir des signes précédents, on peut définir le signe
D (double implication) par le fait que les
propositions p D q et (p Þ
q) Ù (q Þ p) sont
logiquement équivalentes. Il est aussi possible, dans les formules, de faire
intervenir plus de deux propositions.
Il reste maintenant à établir le rapprochement entre ce
calcul des propositions et le raisonnement qui consiste à déduire d'un énoncé
"vrai", un autre énoncé "vrai". Par définition, une proposition C se déduit des
propositions H1, H2 ..., Hn si la formule
(H1 Ù H2
Ù...Ú Hn) Þ
C
est une tautologie.
Cette définition permet d'énoncer plusieurs règles de
déduction :
1. Règle de simplification :
De H1 Ù H2, on déduit H1,
car (H1 Ù H2)
Þ H1 est une tautologie.
2. Règle de détachement ou de "modus ponens" :
De H1 et H1 Þ H2,
on déduit H2 car (H1 Ù (H1
Þ H2) Þ H2
est une tautologie.
3. Règle du syllogisme :
De (H1 Þ H2) et (H2
Þ H3), on en déduit H1
Þ H3.
4. Règle de la contraposition :
De p Þ q, on en déduit ( Ø
q) ( Ø p).
Le calcul des propositions est loin de décrire toutes les
démarches d'un raisonnement et ne représente qu'une partie de la logique
mathématique. Les recherches nombreuses en logique ont permis d'apporter un
certain nombre de réponses à des problèmes de mathématiques ou d'informatique.
Si certaines questions concernant les fondements des mathématiques ont pu être
résolues, d'autres ne le sont pas encore, et de nouvelles questions concernant
les fondements de la logique sont nées de ces recherches.
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