Jules César (101-44 av. J.-C.)

    Issu d'une vieille famille de l'aristocratie romaine, Caius Julius Cæsar descendait, aux dires de certains, de Vénus et d'Enée. Sa mère, Aurélia, veilla passionnément à son éducation et fit de César un jeune homme accompli qui, après avoir cultivé les lettres, et plus particulièrement la poésie, ne tarda pas à tourner son ambition vers la politique. Pour se ménager la faveur de Marius, il épousa la fille de Cinna, Cornélia. Mais Sylla, arrivant au pouvoir, le somme de la répudier; César ose refuser, et inquiet de la haine que lui porte Sylla, préfère s'éloigner, et s'engage comme volontaire pour l'Asie, où il se distingue brillamment tant au siège de Bithynie qu'en Cilicie contre les pirates. La mort de Sylla le ramène à Rome, mais criblé de dettes, et en butte à l'hostilité du parti aristocratique, il ne tarde guère à repartir, pour aller compléter son éducation à Rhodes.
    Pontife à 27 ans, sénateur à 33 ans, préteur à 38 ans, consul à 40 ans, général vainqueur à 49 ans, César n'obtint le pouvoir suprême qu'un an avant sa mort, à 55 ans. Cette seule année lui suffira pour faire de la république romaine un empire.
    En 73, âgé de 27 ans, il est nommé pontife. Questeur en Espagne en 68, il devient édile en 65, et s'attache la faveur populaire en ordonnant la construction de nombreux bâtiments, et en organisant nombre de magnifiques spectacles de jeux. En 63, il est élu Grand Pontife, à la veille de la conjuration de Catilina, qui fut suivie d'une répression à laquelle César, connu pour ses opinions révolutionnaires, échappe néanmoins. Puis il retourne en Espagne, cette fois en qualité de propréteur, soumet les Lusitaniens (les premiers habitants du Portugal) et recueille un riche butin qui lui permet de mettre de l'ordre tant dans ses propres finances que dans celles de l'Espagne. De retour à Rome, il reçoit les honneurs du triomphe.
    En 60, il se présente aux élections consulaires, appuyé par deux alliés des plus puissants : Crassus et Pompée. Tous trois s'unissent en juillet pour former le premier triumvirat, association privée de trois hommes unis sous la foi du serment en vue de contrôler la vie politique à Rome. En août, César est nommé consul; après quelques réformes, administratives et judiciaires, il fait ratifier par le Sénat une loi agraire prévoyant la répartition, parmi les citoyens romains les plus pauvres, des terres des nouvelles provinces, mesure qui apportait quelque remède au problème de la surpopulation dans les faubourgs les moins favorisés de la Ville. Il obtient la ratification des actes de Pompée en Orient. Ces mesures lui attirent la sympathie du peuple et de nombreux partisans; il ne lui reste plus qu'à accroître son prestige militaire par une guerre de conquête.
    A la fin de son consulat, César demande et obtient le gouvernement de la Gaule Cisalpine, à laquelle sont rattachées les deux provinces frontières d'Illyrie et de Gaule Transalpine. Cette région était alors menacée d'une part par des invasions germaniques, d'autre part par une invasion des Helvètes qui, ayant franchi le Rhin, entendaient traverser la Gaule pour s'installer dans les plaines de l'Ouest.
    César se porte en défenseur des Gaulois, oblige les Helvètes à s'en retourner, après les avoir battus près de Bibracte, capitale des Eduens, puis se tourne contre le chef germain, Arioviste, qu'il écrase près de Belfort. Mais les Gaulois ne sont pas "libérés" pour autant : les Belges, en particulier, comprennent très vite que César n'a chassé les Germains et les Helvètes que pour occuper leur place, et reprennent les armes contre les Romains, qui, malgré une infériorité numérique certaine, parviennent à disperser les Belges et à occuper la Belgique gauloise. César se consacre alors à l'administration de sa province, et invite ses collègues du triumvirat à une entrevue à Lucques, pour leur proposer un plan : que Crassus et Pompée s'arrangent pour être élus consuls en 56, et prorogent le gouvernement de César pour encore cinq ans, délai au bout duquel lui-même regagnera Rome pour s'y faire élire consul à son tour.
    Avant Jules César, les possessions romaines se limitaient à d'étroites bandes côtières le long de la Méditerranée. L'annexion de la Gaule permet de mieux assurer la protection des territoires de l'Espagne et de la Narbonnaise(Sud-Est de la France actuelle), et d'amorcer une poussée vers la mer du Nord et le Rhin. Dès lors, les contours de l'empire romain sont dessinés et ils ne se modifieront guère jusqu'à la chute de Rome.
    L'accord conclu, César revient précipitamment en Gaule, où les Venètes sèment la révolte. A peine a-t-il maté ce nouveau soulèvement que deux peuples de Germains envahissent le territoire des Belges. César leur fait front brillamment. Il passe ensuite en Grande-Bretagne; il s'y trouve depuis deux ans, dans une situation militaire très précaire, lorsqu'il est rappelé en Gaule par un soulèvement, général cette fois, mené par Vercingétorix. La bataille d'Avaricum oblige le chef gaulois à se replier sur Gergovie - l'actuelle Clermont-Ferrand - où César subit un cuisant échec, avant de prendre sa revanche, obligeant les Gaulois à se retrancher dans Alésia - aujourd'hui Alise Sainte-Reine (Côte d'Or). Après un long siège, Vercingétorix doit se rendre, en 51 av. J.-C. La Gaule accepte alors définitivement la domination romaine, entrant dans la civilisation gallo-romaine.
    Tête de Jules César (Campo Santo, Pise).
    Cependant que César combattait en Gaule, Crassus était mort, et Pompée, réconcilié avec le Sénat, était devenu le maître de Rome. En 49, conformément à l'accord de Lucques, César demande le consulat. Pompée refuse et obtient du Sénat le rappel du proconsul des Gaules. César, suivi de sa fidèle XIIIe Légion, passe outre à la traditionnelle interdiction de franchir en armes le Rubicon (rivière qui séparait l'Italie de la Gaule Cisalpine) et se fait nommer dictateur, cependant que Pompée quitte précipitamment Rome. Après avoir battu les légions pompéiennes en Espagne, César part en juin pour la Macédoine et écrase Pompée à la bataille de Pharsale (48 av. J.-C.); celui-ci parvient néanmoins à s'enfuir, pour être assassiné par les Egyptiens, soucieux de se gagner les bonnes grâces du vainqueur. Après avoir installé la jeune Cléopâtre sur le trône d'Egypte, César bat Pharnace, fils de Mithridate, qui voulait reconquérir ses Etats du Pont, campagne qu'il résumera par les mots célèbres Veni, vedi, vici (je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu).
    En 46, il est dictateur pour dix ans, en 44 dictateur à vie, inviolable et sacré, et les magistrats jurent de ne pas s'opposer à ses verdicts. En quatre ans, il réorganise l'Italie et ses possessions, réformant l'administration (gouvernement et villes). Toujours fidèle à son programme "populaire", il combat chômage et misère en procurant du travail aux classes les plus défavorisées, particulièrement pour la mise en route de grands travaux publics (voies, assèchement des marais, création du port d'Ostie) et des aménagements à la loi agraire. A l'extérieur, il met tous ses efforts à unifier et à "romaniser" le bassin méditerranéen.
    Mais le parti aristocratique n'a jamais désarmé contre lui, qui favorise systématiquement la bourgeoisie et la province, aux dépens du Sénat et des "Romains de Rome". On l'accuse de vouloir l'abolition de la République, voire de souhaiter pour lui-même le rétablissement de la monarchie et, aux Ides de mars 44, il tombe assassiné en plein Sénat, frappé de 35 coups de poignard.
    L'exceptionnelle personnalité de César, tout à la fois d'une extrême richesse et pleine d'ambigüité, son ambition sans bornes et son talent politique, n'ont pas fini de fasciner historiens et dramaturges. Ses Commentaires, nets, sobres et précis, de la guerre des Gaules, sur lesquels ont pâli des générations d'aspirants-latinistes, n'ont cependant rien perdu de leur fraîcheur et, bien que destinés à rehausser le prestige de l'imperator, constituent à peu près les seuls documents nous permettant de connaître "nos ancêtres les Gaulois !"