Histoire de l'aéropostale
Quoi de plus banal, aujourd'hui, qu'une
lettre expédiée par avion? Mais les débuts de l'Aéropostale, à une époque où les
instruments de navigation étaient rudimentaires et les voies aériennes
inexplorées, marquent comme une épopée des temps modernes.
A partir de 1919, et dans tous les pays, d'héroïques
pionniers ouvrirent la voie aux futures lignes régulières en traversant les
océans, en survolant les montagnes, volant de jour comme de nuit, ignorant
tempêtes ou vents contraires.
C'était l'époque où les échanges commerciaux s'accéléraient;
la France possédait alors en Afrique d'importantes colonies. Un constructeur
d'avions, Latécoère, créa en 1919 une société pour exploiter une liaison postale
régulière vers le Maroc et le Sénégal, Casablanca et Dakar devant ultérieurement
devenir les têtes de ligne vers l'Amérique du Sud.
Des as de la guerre 1914-1918 furent engagés, auxquels se
joignirent d'intrépides pilotes. Ce furent Daurat, le meneur d'hommes aux nerfs
d'acier, Vuillemin ou Dagnaux, Mermoz ou Guillaumet, Saint-Exupéry, etc., sans
oublier les fidèles mécaniciens, Vanier ou Collenot, qui durent parfois dépanner
les avions en des circonstances étonnantes.
L'Arc-en-ciel de l'ingénieur Couzinet (1934). En dépit de sa forme
étonnante, cet appareil permit à Mermoz d'assurer les liaisons postales sur
l'Atlantique Nord
Toulouse était la tête de ligne, Rabat et Casablanca les
premières étapes. Ce fut Daurat, celui qui devait tenir "la ligne" de toute son
énergie, qui emporta les premiers sacs de courrier vers Rabat, le 1er
septembre 1919. Pour avoir une idée de ce que représentaient ces vols, sachez
que l'on admira le record établi entre Paris et Casablanca: 18 h 23 mn. La
régularité des vols entre Toulouse et Casablanca fut assurée en 1921 et dès 1923
de Casablanca à Dakar. Mais ce fut au prix d'une lutte incessante contre le
temps, les conditions météorologiques et les pannes : il fallait "passer" à tout
prix; les avions durent plus d'une fois se poser dans le désert de Mauritanie,
au milieu de populations hostiles, ou sur l'eau, vers Dakar, ou même voler avec
une seule hélice quand on avait la chance de piloter un bimoteur! La seule
préoccupation de tous était le courrier, considéré comme sacré.
La cordillère des Andes
Comment franchir une crête de 6 000 m
avec un appareil qui plafonne à 5 200 m, dans un pays dont on n'a pas de carte
et dont on ignore les conditions météorologiques? C'était, en 1928, la mission
confiée à Mermoz et à son fidèle Collenot pour franchir la cordillère des Andes,
barrière montagneuse entre Santiago du Chili et Buenos Aires. Il fallait
emprunter les étroites vallées, faire demi-tour dans les culs-de-sac, et
pratiquer quelque peu l'acrobatie. La mission faillit d'ailleurs mal se
terminer, avec l'avion accidenté qu'il fallut réparer, trois jours durant, par
une température de -20°C! Mais les Andes furent finalement franchies.
Sur l'Atlantique Sud...
La première liaison postale aérienne
France-Amérique du Sud fut réalisée le 12 mai 1930 par Mermoz, Dabry et Gimié
sur un hydravion de 5 500 kg dont 2600 litres d'essence. Sur les 3 000 km de
cette aventure, il fallut affronter le célèbre "pot au noir", un mur de nuages
noirs qui, à la hauteur de l'équateur, barre la route sur 5 000 m d'épaisseur,
et que Mermoz réussit à franchir en volant au ras de l'eau. Vingt et une heure
sur un seul moteur!
Le record établi le 4 février 1935 entre Saint-Louis du
Sénégal et Natal (Brésil) en 14h27mn allait faire entrer l'exploitation de cette
ligne dans une phase active. L'année suivante, Mermoz devait disparaître en mer
sur la Croix-du-Sud, après un dernier message...
Quel fut le destin de l'Aéropostale? Venue trop tôt, elle
devait connaître dès 1931 des difficultés financières, malgré la somme de
sacrifices et de capitaux dépensés. Mais elle nous a légué le souvenir de
figures légendaires comme Daurat, qui attendait, dans l'angoisse de la nuit,
l'annonce de l'atterrissage de Mermoz ou de Guillaumet qui "tenaient", face aux
éléments déchaînés : ce sont les héros de l'ère machiniste.
En 1930, l'avion de Guillaumet est accidenté dans la
cordillère des Andes. En 5 jours de marche à travers la montagne, Guillaumet
réussit à rejoindre la plaine où Saint-Exupéry vient le chercher. "Ce que j'ai
fait, aucune bête au monde ne l'aurait fait".
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