Gallicanisme

     La défiance à l'égard de la papauté, plus ou moins vive selon les époques et les lieux, alla chez certains jusqu'à la scission. En France, le gallicanisme fut, sur plusieurs siècles, une tentative pour limiter l'ingérence du Saint-Siège dans la vie du pays.
    L'abbaye de Port-Royal des Champs, dans la vallée de Chevreuse, fut, au XVIIe siècle, un foyer du jansénisme. En 1632, l'abbé de Saint-Cyran publia deux ouvrages attaquant les Jésuites, exaltant l'épiscopat et les curés; en 1638, il fonda les "Petites Ecoles" de Port-Royal : désormais, la doctrine du jansénisme et celle du gallicanisme se trouvaient unies, face au pape et au roi.
    Né sous Philippe le Bel, le gallicanisme suscita tout d'abord un conflit avec le pape Boniface VIII, puis il amena l'installation d'un pape français en Avignon (Clément V). Les conciles réunis à Constance (1414) et à Bâle (1431), après avoir proclamé leur supériorité sur le pape, exigèrent que les abbés et les évêques fussent à nouveau élus. Des ordonnances royales (1407) avaient proclamé les libertés de l'Eglise gallicane. Sous Charles VII, la Pragmatique Sanction de Bourges (1438) appliqua les décisions du concile de Bâle, ce qui entraîna le relâchement des liens unissant l'Eglise de France à Rome, et, en revanche, une plus grande ingérence du souverain dans l'élection des évêques et des abbés. Le clergé réussit à retarder jusqu'en 1516 la signature du concordat avec Rome. Le roi détient, dès lors, l'autorité temporelle; il dispose des bénéfices, et les évêques doivent prêter serment de fidélité. C'est le triomphe du gallicanisme royal au détriment du gallicanisme conciliaire.
    Bien que le clergé ait eu, sous l'Ancien Régime, un sens monarchique élevé - Bossuet n'exalte-t-il pas le Roi, "à qui rien ne résiste" et à qui "s'attache quelque chose de divin"?-, il n'en forma pas moins une entité à part, qui revendiqua les libertés gallicanes pour défendre son autonomie. Soutenu par le parlement, qui voyait dans le gallicanisme un moyen d'affirmer ses prétentions politiques au détriment de la royauté, le clergé s'opposa parfois au souverain, l'empêchant d'imposer le gallicanisme royal.
    Si celui-ci est vaincu, il n'en est pas de même du gallicanisme parlementaire. Les milieux parlementaires, teintés de jansénisme, obtiennent une grande victoire en faisant supprimer la Compagnie de Jésus (1762). En 1790, le gallicanisme triomphe quand l'Assemblée constituante vote la Constitution civile du clergé.
    Après la Révolution, Bonaparte crut pouvoir revenir au gallicanisme traditionnel. Le concordat de 1801 visait à placer le clergé dans lé dépendance de l'Etat. Cette situation dura jusqu'en 1905, un nouveau concordat, rédigé par les Bourbons, ayant été jugé trop gallican par le pape.
    A partir de 1830, le climat religieux se modifie. Lamennais, Montalembert et Lacordaire stigmatisent la servitude imposée à l'Eglise par l'Etat, et dénoncent le gallicanisme. Un courant ultramontain se développe, et triomphe au 1er concile du Vatican (1869-1870). Le gallicanisme est condamné. L'infaillibilité pontificale est proclamée en 1872. Depuis le concile de Vatican II (1962-1965), une nouvelle tendance se manifeste. L'audience de Rome décroît : les évêques des différents pays retrouvent l'autonomie.