Fascisme

    Le fascisme désigne le régime établi en Italie par Mussolini entre 1922 et 1945, fondé sur la dictature d'un parti unique, l'exaltation du sentiment nationaliste, et l'établissement d'un ordre corporatif. Par extension, on qualifie aujourd'hui de fasciste toute doctrine visant à remplacer un régime démocratique par un régime autoritaire. A la différence de la dictature proprement dite, le fascisme ne s'instaure pas grâce à un coup d'Etat, mais avec l'appui d'un parti de masse.
    28 octobre 1922 : la marche sur Rome des Chemises noires, prélude à la prise de pouvoir de Mussolini.
    L'embryon d'un parti unique naquit le 23 mars 1919, lorsque Mussolini, ancien socialiste, créa à Milan le premier "faisceau de combat" (fascio di combattimento) proposant un programme de revendications politiques et sociales assez vague mais prometteur.
    Mussolini cherchait ainsi à se gagner aussi bien la sympathie de la petite bourgeoisie nationaliste, ruinée par les conséquences de la guerre de 1914-1918, que celle des masses, tentées par l'exemple de la révolution russe. Lors des élections de novembre 1919, le nouveau mouvement connut un échec retentissant (4 000 voix sur 270 000 votants). Pourtant, la force politique fasciste, négligeable à la fin de 1919 sur le plan électoral, fut en mesure de prendre le pouvoir dès octobre 1922, par sa force dans l'opinion.
    Mussolini, qui était opportuniste et ambitieux, comprit que le fascisme pouvait se tailler sa place dans le concert politique, en devenant ouvertement et violemment antiprolétarien et antisocialiste. Au cours de l'année 1920, l'agitation ouvrière et rurale culmina lors de l'occupation des usines, en septembre; le mouvement fasciste dévoila alors au grand jour son caractère réactionnaire, en devenant le champion de l'ordre social. Il mit sur pied de façon rigoureuse des équipes d'intervention, dont les objectifs étaient de détruire par les armes et dans la terreur les organisations politiques et syndicales des travailleurs, aussi bien socialistes que catholiques. Le terrorisme fasciste s'attaqua d'abord aux campagnes, surtout dans la plaine de Padoue, puis aux grandes villes industrielles.
    La grande bourgeoisie terrienne fut la première à appuyer ce terrorisme et à le financer. Puis, progressivement, surtout après l'occupation des usines, la grande industrie entra aussi dans le jeu.
    Malgré l'incendie du Reichstag, Hitler ne put pas se libérer complètement du contrôle parlementaire pour prendre le pouvoir. Nous le voyons ici prononçant un discours devant les députés allemands.
    L'Etat, bien que toujours dirigé par les libéraux, laissa les mains libres aux fascistes, qui rencontraient rarement l'opposition de la force publique. Les sympathies dont le nouveau parti jouissait de plus en plus dans l'administration, dans l'armée et dans les milieux monarchistes, allaient croissant. Les organisations populaires, de leur côté, ne furent pas en mesure de lutter contre le fascisme sur le terrain de la violence. Bien que 35 fascistes seulement fussent entrée au Parlement en 1921, les rapports de force réels devenaient désormais de plus en plus favorable au mouvement mussolinien. Celui-ci, qui comptait 17 000 adhérents en 1919, avait déjà 310 000 inscrits en novembre 1921. S'étant transformé en parti proprement dit - le Parti national fasciste, fondé le 9 novembre 1921-, il constituait désormais une véritable force de gouvernement.
    La marche sur Rome des "chemises noires" en armes, le 28 octobre 1922, sanctionna la faillite de l'Etat libéral. Chargé par le roi Victor-Emmanuel de former le nouveau gouvernement, Mussolini organisa en 1924 des élections truquées qui assurèrent la majorité absolue aux fascistes dans le Parlement. Au cours des années 1925 et 1926, l'Italie devint un Etat à régime totalitaire, fondé sur l'exclusion de toutes les forces politiques en dehors du parti fasciste. Les partis politiques furent mis hors-la-loi, la liberté de la presse supprimée, et le pouvoir législatif perdit toute importance en faveur du pouvoir exécutif. Quant au peuple, il fut sévèrement embrigadé dans les organisations partisanes; l'opposition politique fut étouffée dans l'œuf par la police et les tribunaux.
    L'Etat fasciste, tel qu'il dura jusqu'en 1943, se présentait comme un régime totalitaire de droite, avec à sa tête Mussolini, le Duce (Conducteur) de la Nation.
    En politique intérieure, le fascisme se fixa pour objectif de réaliser la plus grande unité autour du régime; à cette fin, toutes les classes sociales durent collaborer au renforcement de l'Etat. Cet idéal se traduisit par l'organisation corporative du travail. Aucun des grands problèmes sociaux ne fut examiné ni résolu au cours de cette période, particulièrement en ce qui concernait le Sud italien. Par contre, Mussolini obtint des résultats importants sur le plan de la modernisation économique et sociale : de vastes travaux de mise en valeur des terres furent entrepris; on modernisa les réseaux routier et ferroviaire; la législation sur la sécurité sociale fut améliorée.
    Tandis que les libertés politiques étaient abolies, la culture était, elle aussi, mise au service du régime. On en arriva à la formulation d'une doctrine : l'exaltation de la volonté et de l'héroïsme chez les individus "au-dessus du commun", l'unité des classes sociales au service de l'Etat. Le sens de la vie fut ramené à la lutte pour la suprématie des individus d'exception sur les autres, et des nations fortes sur les pays faibles. D'où un militarisme et un impérialisme véritablement effrénés, que le régime fasciste attisait. Enfin, Mussolini, reconnu le maître indiscuté de l'Etat, en tant que héros à la mode romaine, se trouvait destiné à guider l'Italie avec la collaboration de la hiérarchie et de l'appareil du parti.
    Lors de la guerre civile espagnole, Mussolini s'allie au national-socialisme allemand pour soutenir les troupes de Franco que l'on voit ici défiler dans les rues de Malaga le 8 février 1937. La population salue à la manière fasciste.
    L'Etat fasciste connut aussi d'importants succès dans le domaine international (écrasement de l'Ethiopie et proclamation de l'Empire italien, participation active à l'établissement du régime fasciste en Espagne), avant d'entrer dans la Seconde Guerre mondiale qui le mena à sa ruine. Ces succès étaient, en fait, à double tranchant, car ils rendirent inévitable une collaboration de plus en plus étroite entre le fascisme et le nazisme, ce qui se transforma rapidement en une subordination du premier à l'Allemagne nazie.
    Mussolini et les dirigeants fascistes, convaincus de la fin prochaine de la guerre après les fulgurantes victoires allemandes, décidèrent d'entrer en guerre en juin 1940. Ce calcul erroné et le prolongement de la guerre amenèrent l'écroulement de l'Italie fasciste, mal préparée à un conflit militaire. En mars 1943, des grèves éclatèrent dans les usines de l'Italie du Nord, qui témoignaient de l'hostilité ouverte du prolétariat, non seulement à la guerre, mais surtout au fascisme. Certains membres de la classe dirigeante elle-même étaient décidés à mettre fin au régime, qui s'effondra le 25 juillet 1943, quand Mussolini fut arrêté sur les ordres du roi Victor-Emmanuel III.
    Libéré par les parachutistes allemands, Mussolini continuait cependant de contrôler l'Italie du Nord. La prise du pouvoir par le Comité de Libération Nationale de la Haute Italie, en même temps que l'insurrection des partisans de l'Italie du Nord le 25 avril 1945, suivies de l'exécution de Mussolini par des résistants (le 28 avril), marquèrent la fin du fascisme et la restauration du régime parlementaire.
    Nombreux sont les mouvements qui, jusqu'à nos jours, se sont inspirés du fascisme italien (Allemagne, Espagne, Portugal). Profitant d'un malaise général dû à une crise économique ou politique, le fascisme trouvait des adhérents dans toutes les classes de la société : petite bourgeoisie effrayée par la menace socialiste, couches populaires sensibles aux slogans anticapitalistes et socialistes, grande industrie satisfaite de voir l'ordre rétabli. Une fois en place, les régimes fascistes modifient la Constitution à leur avantage et, sous prétexte de galvaniser les énergies de tout un peuple vers un but commun, remettent en vigueur l'autoritarisme, l'élitisme, le racisme et, par-dessus tout, le culte de l' "ordre" public.