Convention Nationale (1792-1795)

    Le 10 août 1792, la monarchie française est renversée. L'Assemblée législative doit se dissoudre et convoquer une assemblée chargée d'élaborer une nouvelle constitution. La Convention nationale fonde la première République française, proclamée le 22 septembre 1792, et gouverne autoritairement le pays du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795. Elus au suffrage universel à deux degrés, ses 749 députés siègent généralement aux Tuileries.
    Mai 1793 : les sans-culottes décident d'en finir avec les Girondins. Le 2 juin, une intervention houleuse oblige la Convention à décréter l'arrestation de 29 députés et de 2 ministres.
    La Convention vit s'affronter Girondins et Montagnards, les premiers siégeant à droite, les seconds à gauche dans la salle de réunion. Entre eux, avec Sieyès et Cambacérès, se situa la masse des modérés que l'on désigna globalement du nom de "Plaine" ou de "Marais". C'est de cette disposition initiale des groupes dans la première assemblée républicaine que sont issus les termes aujourd'hui courants de droite, gauche et centre pour désigner les tendances des partis politiques.
    La Gironde groupait environ 260 députés, grands bourgeois provinciaux, plus orateurs qu'hommes d'action, hostiles à la prédominance politique de Paris et à la centralisation. Ses animateurs étaient Brissot, Vergniaud, Roland, Pétion, Isnard.
    Les Montagnards, ainsi appelés parce qu'ils siégeaient sur les bancs les plus élevés de l'Assemblée, représentaient avant tout la région parisienne; ils fréquentaient les clubs (Jacobins, Cordeliers) et étaient enclins à faire confiance aux sans-culottes; ils désiraient une centralisation efficace et n'étaient pas hostiles aux réformes sociales. Ils comptaient dans leurs rangs les plus grands noms de la Révolution: Robespierre, dit l'Incorruptible, Danton, Saint-Just, Marat, Desmoulins.
    Selon la prépondérance des groupes, on peut distinguer trois phases dans l'histoire de la Convention : une période girondine jusqu'au 2 juin 1793, une période montagnarde jusqu'au 9 thermidor (17 juillet 1794) et enfin une période "thermidorienne" où domina la Plaine.
    Durant la première période, les Girondins s'aliénèrent irrémédiablement la confiance des Montagnards par leur hésitation à voter la mort du roi, par la violence de leurs attaques contre la Commune de Paris et ses sectionnaires, par la situation militaire désastreuse dans laquelle ils avaient engagé le pays. La guerre de propagande, qu'ils avaient prônée pour "porter secours et fraternité à tous les peuples qui voudront leur liberté", avait dégénéré en guerre de conquêtes après les victoires de Valmy (20 septembre 1792) et de Jemmapes (6 novembre 1792). La Belgique, la rive gauche du Rhin, la Savoie, Nice, avaient été occupées par les armées françaises; l'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, acheva d'alarmer l'Europe monarchique. La première coalition contre la France -surtout contre la Révolution- se forma en février-mars 1793. Malgré la levée de 300 000 hommes, les revers se multipliaient et les sectionnaires armés poussèrent la Convention à l'épuration du 2 juin 1793 qui abattit les hommes de la Gironde.
    Devant le danger extérieur pressant, et le soulèvement de la Vendée, avaient été mis en place un Tribunal révolutionnaire, un Comité de défense nationale, bientôt remplacé par le Comité de Salut Public (6 avril 1793), tout cela s'ajoutant au Comité de sûreté générale. Ce fut entre les mains de ces comités, exclusivement montagnards, que résida désormais la réalité du pouvoir. Danton et ses amis, jugés trop pusillanimes et peu sûrs, en furent expulsés en juillet tandis que Robespierre y entrait.
    Aux frontières, l'invasion commençait, les royalistes et les Girondins organisaient partout la rébellion. Un grand sursaut s'imposait. Au début de septembre, la Convention proclama "la Terreur à l'ordre du jour", la levée en masse fut décrétée. Le Tribunal révolutionnaire, avec son terrible accusateur Fouquier-Tinville, devint plus puissant et plus expéditif. Le maximum général des prix et des salaires fut institué. Le 10 octobre, enfin, fut décrété que "le gouvernement sera révolutionnaire jusqu'à la paix". La dictature de Robespierre et de ses amis commençait. Dans le même temps, Hoche et Marceau prenaient la tête des armées.
    Nul n'était à l'abri de la loi des suspects, votée le 17 septembre 1793. La loi du 22 prairial accéléra ce processus en supprimant la procédure de défense. Près de 40 000 personnes seront, au total, exécutées sous la Terreur.
    Les premiers succès contre les ennemis intérieurs et extérieurs (victoire de Fleurus, 26 juin 1794), ne désarmèrent pas la rigueur du Comité de Salut Public qui devait lutter contre les factions, "Indulgents" dantonistes et extrémistes d'Hébert, dont on n'était pas sûr qu'elles ne fussent manipulées par l'étranger. En mars et avril 1794, les Hébertistes puis les "Indulgents", Danton y compris, sont arrêtés et guillotinés.
    Dans le même temps, la terreur politique et le dirigisme économique coexistent. La fixation de prix maximum, la distribution aux pauvres des biens des suspects, préludent à un projet jacobin de révolution sociale qui inquiète les bourgeois soucieux de stabilité.
    Pourtant l'opinion se lassait de la répression des "Enragés", et la terrible loi de prairial renforçant la justice révolutionnaire - près de 1 400 victimes en 46 jours - acheva de discréditer Robespierre, d'autant que la situation militaire ne justifiait plus cette rigueur. Forte de 700 000 hommes environ, l'armée, où s'effectue l'amalgame des recrues de la Révolution et des soldats d'ancien régime, est un puissant instrument aux mains de la Montagne. Les Conventionnels sont les premiers à se soucier de l'encadrement politique d'une armée dont ils savent le poids dans l'opinion. Catalogne et Savoie sont occupées, tandis que Kléber et Marceau réduisent les Vendéens soulevés.
    Les hommes qui se sentaient visés par le jugement de celui qui voulait faire régner "la dictature et la vertu", entraînèrent l'adhésion de la "Plaine". Ni la Commune, ni les sections ne parvinrent à s'organiser pour sauver Robespierre qui fut exécuté le 28 juillet 1794.
    La Convention thermidorienne tenta alors de stabiliser la Révolution, mais, coupée du peuple par ses mesures anti montagnardes, elle s'appuya sur les conservateurs.
    Elle eut alternativement à faire face aux soulèvements populaires de la misère et de l'amertume (Journées de germinal et de prairial, avril et mai 1795) et aux soulèvements des royalistes qui engendrèrent la "Terreur blanche". Le dernier de leurs coups de force, celui du 13 vendémiaire (5 octobre) fut réprimé par les troupes du général Bonaparte. Pourtant les succès extérieurs facilitaient la détente, les coalisés avaient en effet signé avec la France les traités de Bâle (avril et juillet 1795) qui nous favorisaient.
    La Convention se sépara le 26 octobre 1795, après avoir mis la dernière main à la Constitution de l'an III. Bourgeoise, républicaine et nationaliste, celle-ci confiait le pouvoir législatif à deux chambres, Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens, l'exécutif à un Directoire de cinq membres élus pour cinq ans. Tous les pouvoirs étaient séparés et divisés pour prévenir, espérait-on, le risque de dictature, populaire ou autre. Quatre ans plus tard, Bonaparte s'emparait du pouvoir.
    La Convention, dans sa période thermidorienne surtout, mena à bien un immense travail d'ordre juridique, scientifique et éducatif. On lui doit, entre autres, l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, l'institution du système décimal, la création du Conservatoire des arts et métiers, de l'Ecole des travaux publics, de celle des Langues orientales, des Archives nationales, de l'Institut de France.
    La Convention s'était montrée en général violemment hostile aux catholiques, voire à toute religion. Durant la Terreur, les prêtres et les pratiquants furent pourchassés. Les Hébertistes se montrèrent particulièrement actifs dans la déchristianisation du pays, alors que la plupart des Montagnards étaient hostiles à ces violences. Robespierre fit même voter une loi sur la liberté des cultes.
    Un culte civique et rationaliste fut élaboré pour exalter la Révolution, la nature et la vertu. Robespierre tenta de lui donner un sens spiritualiste, et l'apothéose du nouveau culte eut lieu le 8 juin 1794, lors de la fête de l'Etre suprême et de la nature.
    Les thermidoriens firent cesser les rigueurs et, pour éviter des complications futures, la séparation de l'Eglise constitutionnelle et de l'Etat fut proclamée. Dans le même temps, la vente des biens nationaux organisa une immense redistribution des richesses dont profitèrent la classe bourgeoise et les paysans aisés.