Techniques du dessin
Une œuvre n'est un dessin qu'en raison de son caractère graphique, sans
considération de dimensions, des matériaux utilisés et de la présence ou de
l'absence de couleur. Elle devient une peinture lorsque la couleur l'emporte sur
le graphisme, c'est-à-dire lorsque les formes ne sont plus délimitées par un
trait mais par la couleur. Un dessin peut être exécuté en vue d'une peinture :
on l'appelle alors "dessin préparatoire", mais il peut constituer en tant que
tel une œuvre indépendante.
Le Portrait de Saskia, dessiné à la plume de
roseau par Rembrandt traduit les jeux de l'ombre et de la lumière, tout en
suggérant la profondeur de l'espace.
L'étude des dessins montre un lien étroit entre l'évolution
des procédés et celle de l'art : l'esthétique dominante à une certaine époque
suscite l'apparition de moyens techniques qui, à leur tour, influent sur le
goût. Mais la prédilection d'une école ou d'un artiste pour certains procédés
est aussi un trait de caractère et relève de la psychologie même du dessinateur
ainsi que de ses tendances artistiques.
Les matériaux essentiels du dessin sont :
- les colorants liquides (encres et aquarelles) étendus à l'aide d'une plume ou
d'un pinceau;
- les colorants solides (pointes métalliques, fusain, pierres, pastels, crayon
de graphite).
Quant au support employé, il a varié selon les époques, de la
paroi rocheuse sur laquelle l'homme préhistorique traçait la silhouette
d'animaux et de chasseurs, aux différents moyens dont dispose l'art moderne. En
fait, les supports essentiels que l'on rencontre depuis le Moyen-Age sont : les
tablettes de bois recouvertes d'un enduit, que l'on trouve surtout en Italie et
en Allemagne jusqu'à la Renaissance, le parchemin, le papier, blanc ou de
couleur, de grain plus ou moins fin, transparent ou opaque, enfin le tissu qui a
notamment servi de support à l'un des plus anciens dessins français : le
Parement de Narbonne.
L'usage de la plume et de l'encre remonte aux premiers
siècles de notre ère. Les plumes sont soit en roseau, soit en plume d'oiseau
(coq, corbeau, oie); la plume métallique n'apparut qu'au XIXe siècle.
L'encre la plus fréquemment employée est l'encre de noix de galle qui, avec le
temps, passe du noir absolu au brun, voire au jaune, mais on trouve aussi
l'encre de Chine, le bistre et des encres de couleur rouge, bleue, violette et
verte, qui étaient surtout utilisées en lavis.
Au Moyen Age, c'est le dessin linéaire qui prévaut : un seul
trait délimite les formes; on ne se soucie ni des ombres, ni des valeurs. C'est
le cas des dessins de l'album de l'architecte Villard de Honnecourt. Puis, à
partir du XVe siècle, on prend l'habitude d'indiquer les ombres par
des hachures parallèles ou croisées qui, modelant la forme, lui donnent un
relief.
Ce dessin d'un enfant de sept ans est un
parfait exemple de dessin linéaire. L'éléphant et le simple sont représentés par
des lignes qui cernent les contours dans un espace à deux dimensions.
Avec la Renaissance, le dessin se libère, la plume court sur
le papier avec rapidité, en fluides arabesques dans les œuvres vénitiennes, plus
rigoureuse et plus maîtrisée dans l'école germanique. Dans les dessins de
Rembrandt, elle s'écrase en traits puissants et synthétiques, parfois même
transperce le papier. Mais, il s'agit d'indiquer les jeux d'ombres et de
lumières, la plume est un instrument limité; aussi a-t-on bientôt recours au
pinceau qui "lave" de couleur de grandes surfaces, d'un seul jet. Avec le lavis,
la polychromie entre dans le dessin, rivalisant avec la peinture.
L'évolution du dessin au lavis retrace l'histoire de la
conquête progressive de l'espace par les artistes. Au XVe siècle, il
est considéré comme l'accessoire du dessin à la plume ou à la pointe d'argent;
on le relève souvent de pointes de gouache blanche. Au XVIe siècle,
son emploi se généralise, car on recherche de plus en plus les effets de
clair-obscur et les contrastes lumineux qui vont commander, au XVIIe
siècle, l'art de Rembrandt comme celui de Poussin ou de Claude Lorrain. Parfois,
même, le pinceau accapare le rôle essentiel dans le dessin, soit qu'il se
substitue complètement à la plume ou à la pierre, soit qu'il ne leur laisse
qu'un emploi restreint. C'est surtout le cas des dessins de l'école vénitienne,
de Titien au Tiepolo, ainsi que de Daumier.
Les pointes de métal, qui servaient de crayon aux artistes
médiévaux, tombent en désuétude à la Renaissance. Divers métaux ont été employés
(or, argent, cuivre, plomb), sur des parchemins et des papiers recouverts d'une
préparation de poudre d'os calcinés. On trouve cette technique surtout en
Italie, ou Filippino Lippi et Léonard de Vinci la poussent à sa perfection,
ainsi qu'en Flandre et en Allemagne, et dans l'entourage de Van Eyck et de Van
der Weyden. Dürer et Holbein l'emploient encore, mais elle disparaît peu après
au profit des fusains et des pierres, d'un usage plus facile puisqu'ils peuvent
s'effacer, permettant ainsi des "repentirs"
Cette fresque, retrouvée sur les parois de la tombe du
pharaon Amménémès, à Louxor, correspond à une technique de dessin, malgré la
présence de la couleur dont la fonction est seulement décorative.
Le fusain est un bois calciné qui a surtout servi, dès la fin
du XVe siècle, à l'établissement des dessins préparatoires à une
fresque. Mais on l'emploie aussi sur des papiers à gros grain et il se
généralise lorsqu'on parvient à le fixer un siècle plus tard. Il prend surtout
de l'importance avec les peintres français du XIXe siècle, parmi
lesquels Millet et Corot.
Les pierres, pastels et crayons de graphite, ne sont apparus
que plus tard. La pierre d'Italie, de couleur noire, est un crayon fait à partir
d'un schiste argileux qui adhère assez bien au support. Elle est utilisée pour
la première fois par Pollaiuolo, Ghirlandaio et Signorelli, et constitue un des
matériaux de prédilection de Michel-Ange et de Rubens. Au XVIIe
siècle, on emploie plutôt une pierre noire artificielle qui se rapproche du
pastel et qui devient un des procédés habituels du croquis.
La sanguine est une argile rouge ferrugineuse dont les
teintes varient de l'orangé au rouge sombre violacé. Elle fait sa première
apparition dans les portraits aux crayons de couleur de Jean Fouquet, mais le
berceau du dessin à la sanguine est sans nul doute Florence. Elle est surtout
répandue par les maniéristes qui en apprécient la chaleur; Rubens et Watteau en
font largement usage. Pierre noire, sanguine et craie blanche se mélangent dans
les portraits "en trois couleurs" des Clouet et de Holbein. C'est à partir de
cette technique que se développent le dessin aux crayons de couleur, puis le
pastel.
Au XVIIe siècle, enfin, la découverte de mines de
graphite donne naissance à un nouveau procédé, le dessin au crayon de graphite,
appelé aussi crayon Conté, du nom d'un fabricant auquel ont eu recours tous les
artistes classiques, parmi lesquels figurent Ingres et Delacroix.
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